Depuis le 27 mars 2024, de nouvelles obligations incombent aux employeurs du Québec en matière de harcèlement au travail.
C’est en effet à cette date que le législateur a sanctionné la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail (la « Loi »), qui a pour effet de modifier plusieurs lois d’ordre public destinées à protéger les travailleurs.
Ces dispositions, dont certaines sont déjà en vigueur ou le seront prochainement, ont notamment pour objectif d’encadrer davantage la prévention et la prise en charge du harcèlement psychologique au travail et de la violence à caractère sexuel.
Mais quels seront les impacts concrets de ces changements sur les entreprises québécoises?
De nouvelles obligations déjà en vigueur
Depuis le 27 mars dernier, la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) contient une définition de la violence à caractère sexuel, laquelle se lit comme suit :
Toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre.
Rappelons à cet égard qu’en vertu de la LSST, les employeurs ont l’obligation de prendre les mesures pour assurer la protection du travailleur exposé à une situation de violence physique ou psychologique sur les lieux de travail, ce qui peut inclure la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.
De plus, la Loi précise désormais que les employeurs ont l’obligation de prévenir et de faire cesser le harcèlement psychologique provenant de « toute personne », ce qui inclut bien entendu les autres salariés et les représentants de l’employeur, mais également les clients, fournisseurs ou consultants avec lesquels un employé peut être en contact à l’occasion de son travail.
La Loi sur les normes du travail (LNT) a également été modifiée afin de prévoir qu’en cas de règlement d’une plainte de harcèlement psychologique, les parties doivent conserver la confidentialité du processus de règlement.
De plus, en milieu syndiqué, les clauses d’amnistie prévues dans une convention collective ne pourront être invoquées par des salariés ayant été sanctionnés en raison d’une inconduite relative à de la violence physique ou psychologique, incluant la violence à caractère sexuel.
Mentionnons finalement que les employés bénéficient désormais d’une meilleure protection contre les mesures de représailles. La LNT prévoit en effet spécifiquement que les personnes salariées ayant signalé une situation de harcèlement psychologique ou collaboré à un processus de plainte peuvent déposer une plainte pour pratique interdite (en vertu de l’article 122 de la LNT) si elles estiment avoir été victimes de représailles de la part de leur employeur.
Quelques-uns des changements à surveiller
En sus des obligations déjà applicables, plusieurs modifications apportées par la Loi entreront imminemment en vigueur.
Notons que la Loi modifiera, à compter du 27 septembre prochain, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles afin de permettre aux victimes de violence à caractère sexuel en milieu de travail de loger une réclamation auprès de la Commission des normes, de la santé et de la sécurité du travail dans un délai de deux (2) ans, alors que ce délai était auparavant de six (6) mois.
À compter de cette même date, la Politique de prévention et de traitement du harcèlement psychologique, dont toute entreprise a l’obligation de se doter depuis 2019, devra obligatoirement contenir plusieurs modalités précises qui sont détaillées dans le cadre de la Loi, incluant notamment des mesures concernant l’offre de formation, le processus d’enquête, la confidentialité et le traitement des plaintes ou des signalements.
Il sera donc nécessaire pour les entreprises de procéder à une révision complète de cette politique interne avant le 27 septembre prochain, afin d’éviter notamment de s’exposer à des amendes.
En effet, le défaut l’employeur de s’être doté d’une Politique de prévention et de traitement du harcèlement psychologique sera passible d’une amende allant de 600$ à 6 000$. Le défaut d’ajuster son contenu en conformité avec les nouvelles dispositions de la Loi avant le 27 septembre 2024 rend aussi l’employeur passible d’amendes, lesquelles peuvent aller jusqu’à 12 000$ en cas de récidive.
Finalement, notons qu’à compter d’octobre 2025, cette politique devra être incluse dans le programme de prévention ou le plan d’action de l’entreprise conformément aux nouvelles obligations concernant les mécanismes de prévention. Dans la même lignée, la violence à caractère sexuel devra également être incluse dans l’identification des risques psychosociaux liés au travail.
De nouvelles obligations à prendre au sérieux
En somme, ces nouvelles dispositions témoignent clairement du souci du législateur québécois de protéger davantage les victimes de harcèlement et/ou de violence à caractère sexuel en milieu de travail, tout en facilitant leurs recours.
Les employeurs auront donc tout intérêt à revoir à court terme leurs pratiques et leurs politiques, afin de se conformer à ces nouvelles exigences. Cette diligence leur permettra non seulement d’éviter des sanctions, mais également de prévenir les risques de réclamations et de s’assurer que leurs employés évoluent dans un milieu de travail sain et sécuritaire.